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8 mars 2013 5 08 /03 /mars /2013 01:40

 

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D'innombrables clichés, entretenus par le colonel Hugo Chavez lui-même, ont accompagné la politique du chef de l'Etat vénézuélien défunt. Florilège. 

S'il est exact que Hugo Chavez a multiplié les scrutins électoraux afin de consolider sa légitimité, cette donnée est insuffisante pour faire de Hugo Chavez un démocrate.

 

Malade depuis juin 2011, lorsqu'un cancer lui avait été diagnostiqué, Hugo Chavez est mort mardi à l'âge de 58 ans. Le président vénézuélien était entouré de nombreuses idées fausses. Zoom sur quatre d'entre elles.  

Il a rendu aux Vénézuéliens leur "dignité"

C'est l'un des plus gros clichés véhiculés par les partisans de Hugo Chavez. En réalité, avant lui, la "dignité" des Vénézuéliens et du Venezuela n'a jamais été en péril. Au contraire, depuis la fin des années 1950, ce pays a été l'une des démocraties les plus stables d'Amérique latine, y compris aux heures les plus sombres des dictatures régionales (Argentine, Chili, Cuba, etc.). La seule menace contre la démocratie remonte au 4 février 1992 et fut l'oeuvre d'une junte d'officiers menée par... le colonel Hugo Chavez. Celui-ci avait fait donner les tanks dans Caracas et tenté d'éliminer le président élu démocratiquement Carlos Andrès Perez qui fut sauvé in extremis de la mort par sa garde présidentielle. 

Cette tentative du putsch a fait environ 200 morts et s'est soldée par l'emprisonnement de Hugo Chavez, gracié deux ans plus tard. Le parallèle avec l'attaque de la caserne Moncada le 26 juillet 1953 à Cuba, par Fidel Castro, est saisissant: elle aussi avait tourné court. Fidel Castro avait ensuite été condamné à l'emprisonnement, puis gracié au bout de deux ans. 

Les Etats-Unis veulent envahir le Venezuela... demain matin à l'aube!

Depuis son avènement en 1998, Hugo Chavez n'a cessé d'annoncer l'invasion imminente des troupes de l'US Army. Cette pseudo menace a largement contribué à la mobilisation des masses contre le prétendu ennemi extérieur "gringo". Cette rhétorique antiaméricaine est une importation directe de La Havane. Mais, au Venezuela, elle n'a jamais suscité la même adhésion que dans l'île des frères Castro pour la simple raison que, contrairement à Cuba, le colonialisme américain n'appartient pas à l'histoire vénézuélienne. 

De surcroît, le Venezuela ne fait pas partie des priorités stratégiques de Washington, contrairement à l'Irak ou l'Afghanistan. Les Etats-Unis ont d'autant moins à se plaindre de Caracas que l'approvisionnement en pétrole vénézuélien (Caracas exporte deux tiers de sa production en Amérique du Nord) n'a jamais cessé, ni même faibli, en dépit des déclarations théâtrales de Hugo Chavez. Au contraire, les Etats-Unis ont toujours payé rubis sur l'ongle leur fournisseur. D'où ce paradoxe: ce sont les Américains qui, pour l'essentiel, ont financé la "révolution" bolivarienne. 

L'antiaméricanisme a, en tous cas, un bel avenir devant lui. Dernier épisode en date: le vice-président Nicolas Maduro a déclaré que le président Chavez n'avait pas succombé à un simple cancer mais à un virus inoculé par la CIA qui aurait provoqué ledit cancer. Cette version "jamesbondesque" présente l'avantage de transformer Hugo Chavez en martyr mort au champ d'honneur du socialisme. Elle a toutes les chances de prospérer dans les semaines, mois et années à venir. 

Chavez a eu le courage de nationaliser le pétrole

Faux. Le pétrole et les mines de fer ont été nationalisées par un gouvernement social-démocrate, dès 1976. Raison pour laquelle Hugo Chavez n'a pas eu de grandes difficultés à en prendre le contrôle. Jusqu'à l'avènement de ce dernier, l'entreprise nationale Petroleos de Venezuela (PDVSA) fonctionnait toutefois selon des procédures de société normale, sans interférence du pouvoir politique. Mais Hugo Chavez en personne a licencié en direct à la télévision des milliers de cadres et professionnels du secteur pour les remplacer par des employés chavistes. 

L'ingérence gouvernementale et la politisation de PDVSA se sont ensuite traduites par une perte de savoir-faire, une perte de productivité, une perte de rentabilité. Cependant, Hugo Chavez a surfé sur le boom du prix du pétrole. Avant son arrivée au pouvoir, le prix du baril tournait autour de 15 dollars. A partir de l'année 1999, il s'est envolé pour atteindre 100 dollars. Ce qui a permis les largesses vénézuéliennes vis-à-vis du reste de l'Amérique latine, à commencer par Cuba et le Nicaragua, deux "pays frères". 

Historiquement, le prix du pétrole est une donnée fondamentale de la vie politique au Venezuela, pays fondateur de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Traditionnellement, le prix du baril conditionne la longévité et la popularité des présidents. Autrement dit, si Hugo Chavez avait gouverné avec un baril à 9 dollars, il est probable que sa longévité en aurait été affectée... 

Le Venezuela est plus démocratique sous Chavez

C'est à peu près le contraire. S'il est exact que Hugo Chavez a multiplié les scrutins électoraux afin de consolider sa légitimité, cette donnée est insuffisante pour faire de Hugo Chavez un démocrate dans la mesure où, parallèlement, l'esprit de la démocratie a été régulièrement bafoué: menaces contre les opposants, intimidations contre les journalistes, fermeture de médias, emprisonnements arbitraires d'adversaires réels ou supposés, négation de l'indépendance des juges (dont le cas le plus emblématique est l'affaire de la juge Maria Lourdes Afiuni), découpages électoraux sur mesure. 

Exemples: 

- Après le referendum convoqué en 2007 (et perdu) par Chavez visant à instaurer, d'une part, le socialisme dans la Constitution et, d'autre part, de permettre la réélection perpétuelle du président de la République (celle-ci était précédemment limitée à deux mandats), le colonel-président, après avoir qualifié ce scrutin d'"éleccion de mierda", a choisi de passer outre. En 2009, il convoque un nouveau référendum très contesté sur le sujet en 2009 et obtient la possibiliété de devenir président à vie. Cependant, son cancer l'a empêché de mener à bien ce projet.  

- Lors des dernières élections législatives de 2010, l'opposition a remporté 52% des voix... mais est demeurée minoritaire à l'Assemblée nationale. Tandis que le parti présidentiel, avec 48% des suffrages, a obtenu une écrasante majorité en sièges au Parlement.  

- Selon la Constitution, c'est aujourd'hui le président de l'Assemblée nationale Diosdado Cabello (qui est un militaire) qui devrait assurer l'intérim du pouvoir pendant au moins 30 jours. Mais Hugo Chavez, conseillé par Fidel Castro, a désigné le vice-président Nicolas Maduro (qui est un civil) comme son successeur. Ce dernier est considéré comme "l'homme de La Havane" tandis que Cabello, dont les ambitions présidentielles sont un secret de polichinelle, est jugé plus indépendant et moins Castro-compatible. C'est donc Maduro qui assure l'intérim. On voit par-là que les lois et la Constitution sont des idées très malléables qui peuvent être distordues et adaptées selon les circonstances.  

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