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9 janvier 2021 6 09 /01 /janvier /2021 15:52
 
Je viens de lire d'une seule traite le livre que Sarah Biasini a publié tout récemment sur sa maternité et sur cet étrange sentiment d'être prise dans le passage du temps, elle qui est (peut-on supposer, mais on ne sait jamais) au milieu d'une vie, entre son frère David et sa mère, morts "trop tôt" et sa petite Anna, qui ne voit encore du monde que des taches de couleur non identifiées grâce au langage.
Son livre est constitué de phrases courtes, qui disent, avec une pudeur prussienne, l'émotion contenue, l'émotion enclose. Qui la disent cependant. La tendresse voile sans cesse une violence non formulée. L'essentiel se niche dans la petite espace entre le point et la phrase suivante. C'est un livre de ponctuations, un livre de vie, un livre de résilience mais ce mot est tellement galvaudé. Le livre d'une noyée qui parvient quelquefois à reprendre un peu de souffle. Un livre de morceaux de vie arrachée au néant, à la mort.
Mais qu'est-ce que la vie, sinon des lambeaux de lumière arrachés à l'obscurité ?
Si ce livre nous parle, c'est parce qu'il éveille en nous la même chose, finalement. C'est parce que Sarah Biasini est comme un miroir. C'est parce qu'elle est un miroir qui reflète un autre miroir. C'est parce qu'elle nous suggère l'autre côté du miroir. C'est parce qu'elle est comme nous, engluée de ce côté-ci. Mouche dans la bouteille qui cherche la sortie.
Le livre de Sarah Biasini est un livre poli, et c'est sa grande force. Le ton est léger, jamais forcé, toujours juste. Il y a dans ses pages quelque chose d'enfantin : l'étonnement d'être au monde, la volonté de vivre malgré tout, malgré surtout l'envie tenace de rejoindre les siens.
Le 29 mai 1982, j'étais à Cologne, seul dans la chambre de l'étage, dans la maison de la famille allemande qui m'accueillait, jeune étudiant en stage linguistique. Je venais d'arriver. Le soleil entrait par la fenêtre en même temps que des odeurs de barbecue. Je lisais un roman de William Irish. J'entendis les pas du maître de maison dans l'escalier. Il ouvrit la porte de ma chambre sans frapper, abasourdi, pour m'annoncer la mort d'une actrice qui m'était chère. Il ne pouvait pas le savoir.
Sarah Biasini : "Quand on perd quelque part, il faut bien gagner ailleurs"
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commentaires

A
Bonjour, c'est génial merci ;) au plaisir de vous voir.
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